Récit de trail #5 : Raid des Bogomiles (103 km / 4260 D+)

 Retour sur une aventure unique en pays cathare depuis la belle Carcassonne. Cadre de mon tout premier 100 km, l'Aude m'a réservé quelques savoureuses surprises. Laissez moi vous conter cette nouvelle aventure, toujours de mon point de vue "anonyme".




CONTEXTE


Voilà plus d'un an et demi que je vous ai laissé sans nouvelle, depuis mai 2022 pour être exact et la Pastourelle.

Alors non, je n'ai pas rien fait. Déjà parce que je suis beaucoup trop mordu pour arrêter de courir du jour au lendemain. Et ensuite parce que j'ai quand même participé à quelques événements entre temps.


J'ai commencé par un petit voyage à l'étranger en terres valenciennes. En effet, en décembre 2022, s'y tient un petit événement nommé Marathon de Valence. Très prisé pour son aspect roulant, j'y étais venu chercher un RP et visais autour des 3h40. Finalement, je suis reparti avec un 3h48 et un record battu de 7 minutes. Mais un très beau séjour dans une ville que je vous conseille.

En pleine prépa, j'en ai profité pour abaisser mon record sur 10 km également, avec un chrono sous les 44'.


L'année 2023 a été plus calme dans l'ensemble, à l'exception d'une participation à 2 petites courses locales girondines (Trail de Baurech en mars 26 km et Semi Marathon des Jalles à Bruges en juillet).

Et tout ceci nous ramène donc à début août, début du cycle Raid des Bogomiles.


LA PREPA


Jamais je n'aurais connu une préparation aussi exigente et qualitative. Il faut dire qu'il fallait revoir mes standards d'entrainement, passant des 63 km du Ceven'trail aux 103 du GRC. Forcément, le kilométrage requis s'en est ressenti et il a fallu s'adapter.

J'ai eu une chance pendant cette période, c'est d'être accompagné pendant mes sorties par mon ami Djé qui préparait quant à lui le 160 km du même événement. Une vraie source de motivation du fait de son mental exceptionnel et aussi, bien entendu, parce que c'est bien connu, "seul on va plus vite, ensemble on va plus loin". 

Ma compagne a par ailleurs également joué un rôle essentiel me soutenant à toute épreuve et me laissant le temps de m'y consacrer.


Niveau contenu des séances, je ne m'attarde pas, vous connaissez certainement la musique. Beaucoup de spécifique (montées/descentes, sorties longues et rando course, EF...).

Un accent particulier a été mis cette fois-ci sur le renforcement musculaire en complément. Des séances immuables : gainage, tractions et surtout chaises + squats pour les quadris.


Résultat : 200 km en août, 300 en septembre (mois record) et une centaine en octobre pré-événement. Le mois de septembre a été particulièrement intense et le corps a été de nombreuses fois en souffrance avec des effets secondaires inconnus jusqu'à alors (dérèglement intestinal, douleur derrière le genou, troubles du sommeil...). 

Mais nul doute que cette prépa aura participé de manière bénéfique à ma performance sur ce premier ultra. Et restera également un très grand souvenir partagé.









L'AVANT-COURSE


L'aventure s'annonçait démente. Nous sommes partis en groupe : ma copine et moi d'une part, mon pote et ses parents d'autre part. Comme nous n'étions pas engagés sur les mêmes courses, nous avons passé un peu de temps ensemble mais aussi séparément. Le temps passé à Carcassonne aura aussi été l'occasion de visiter la belle cité et ses célèbres remparts.

Le départ du 100 Miles a été donné jeudi à 21h sous une forte pluie. Nous avons accompagné Djé jusqu'à la ligne de départ, où il n'eut pas l'air de perdre le sourire pour autant. Sourire comme un homme heureux, alors qu'il s'apprête à courir 160 km dans des conditions plus que difficiles.

Pour ma part, je ne partais que le lendemain matin. Le temps d'une dernière nuit courte, mais apaisée. Je gère dorénavant mieux ces périodes d'avant-course, la sérénité l'emporte même s'il y a toujours ce petit stress lié au départ et à l'aventure approchant à grands pas.

Le matin, le matériel est déjà prêt. Tout faire la veille pour ne pas paniquer le Jour J. Hormis tout l'attirail obligatoire, dont je vous passe les détails, on s'organise avec Madame et je lui donne mon sac de délestage. On se retrouvera à la base de vie à mi-course à une heure (à peu près) convenue. De toute façon, elle a l'outil Livetrail pour suivre mon évolution (géniale cette invention !).

Dans le sac : des affaires propres et plus chaudes pour la nuit et de la réserve de bouffe essentiellement. 


LA COURSE


Voici à quoi ressemble la promenade du jour. Un départ de Carcassonne puis direction le Sud et le Château d'Arques à mi-course, puis on remonte vers la cité par le côté Ouest. 







Au programme, 103 km et 4260 de dénivelé positif. La majorité du D+ semble se concentrer sur la première partie mais nous allons voir que ce profil était en fait relativement piégeux.


Nous sommes allés sur la ligne de départ vers 8h30 et premier constat :il fait beau. Et il ne devrait pas pleuvoir le long du périple. Si la nuit a été pluvieuse, le terrain devrait être un peu gras en revanche mais bon j'ai couru des trails avec des torrents de boue donc ça me fait pas trop peur.

Nous sommes 330 au départ. Il faut voir la foule de coureurs ici, grand sourire aux lèvres et heureux d'enfin en découdre. Ca me sidère toujours autant quand même de nous voir tous ici, comme si on avait un peu oublié tout ce qui nous attend, sûrs de nos forces. Le peloton est épanoui, dans son élément, comme sûr de ses forces. Alors que dans les faits, on sait très bien comment ça va se terminer. Certains ne termineront pas, les autres arriveront éparpillés, au compte-goutte et à bout de force. Le contraste est vraiment saisissant je trouve.

Mais il vaut mieux ça; au moins, l'ambiance est excellente et le soleil radieux !


Les premiers kilomètres sont très roulants et en partie bitumés, le temps de sortir de Carcassonne.Si ça monte un peu assez rapidement, l'état de fraicheur et la pente douce permettent de sortir de cette portion assez aisément, sans même utiliser les bâtons, et c'est tant mieux.

Les sentiers vers le premier ravitaillement à Molières (km 18) ne sont pas techniques et les barrières horaires sont très larges donc il n'y a vraiment aucun stress sur ce début de course.

Néanmoins, je sors mes bâtons au 16e kilomètre dans la montée avant le ravito qui est un peu plus sévère. Il faut aussi penser à s'économiser au maximum. J'y arrive donc avec le sourire.




Nous atteignons Molières avec 45 minutes d'avance sur la barrière horaire, autant dire que je suis large. Autre bonne nouvelle : les ravitaillements sont copieux. Ma routine se met en place : un Coca, un verre de Saint-Yorre et un verre d'eau. Côté miam, des Tuc et du brownie ici. Peu importe l'ordre, j'ingurgite des goûts qui me font plaisir et dont j'ai besoin (salé + sucré).

En revanche, il y a un petit couac car je suis confronté à un problème de bâtons. Impossible de replier le bâton droit qui se coince ... Je vais devoir donc courir 80 km bâtons en main. C'est un peu embêtant même si, dans les faits, j'en aurai souvent besoin.


MOLIERES KM 18 

TEMPS 2h41

CLASSEMENT 265e


La montée qui suit le ravitaillement n'est pas simple mais l'état de fraicheur permet de la passer sans encombre, tout comme la descente; peu technique.

Surprise à 3 km du ravitaillement, après le franchissement d'un petit pont. Madame m'attend sur le parcours pour me voir passer, hors zone de ravitaillement. Un soutien moral bienvenu alors que je cours depuis 30 km. Et j'allais la retrouver deux km plus loin, après le début de la première grosse montée, au ravitaillement de Caunettes. 

Je cours depuis 5 heures. Je suis bien niveau sensations. Je retire une couche de vêtements, il fait très bon au coeur de l'après-midi. La bouffe passe bien, je peux manger tout ce que je veux. Le temps de remplir les flasques, un bisou et nous partons pour les 18 km les plus difficiles du parcours.


CAUNETTES KM 30 

TEMPS 5h03

CLASSEMENT 250e


On attaque la montée qui mène au point culminant du parcours, environ 900m. On parle d'une pente assez raide globalement, surtout sur le haut où un bon raidard en ligne droite nous attendait. Je suis vraiment à l'aise en montée, je n'ai de cesse de doubler des mecs. Mes grands compas m'aident à grimper vite, bâtons en action. Et avec souvent une bonne relance derrière quand les jambes sont là, ce qui est encore le cas au sommet.

Cependant, je me fais souvent revoir en descente, où mon avancée se fait plus lente. En général, les mecs que j'ai doublé me revoient et on finit par arriver ensemble au point suivant. C'est pas choquant: après tout, chacun ses qualités ! 

Même si je trouve que j'ai progressé dans ma manière de descendre. Je sens que c'est plus fluide et que j'appuie moins sur les quadris, qui s'en trouvent préservés plus longtemps.

Les 300 flasques de 0,5L n'étaient pas de trop sur cette portion où il a fait chaud.


Et on atteint donc la mi-course et la base de vie du Château d'Arques (km 50) au bout de 7h35 d'effort. Une fois de plus, Madame est là. Un vrai bonheur.




Je me fixe pour objectif de rester 30 minutes environ. Un bon repas pour commencer, avec de la soupe chaude avec du pain et du jambon, puis du gâteau au chocolat. Toujours aussi le traditionnel Coca évidemment ! Ensuite, je change de tenue grâce au sac que j'ai préparé à ma compagne. On enfile les vêtements de nuit. Manches longues, pull supplémentaire dans le sac et je prends aussi bonnet et gants à tout hasard. 

Je vérifie que j'ai bien tout mon équipement et me remet en état de marche. Il est temps de quitter la vie de château... A la sortie :


CHATEAU D'ARQUES KM 50 

TEMPS 8H08

CLASSEMENT 243e




La course se poursuit par le deuxième gros morceau consécutif. Nous sommes partis pour 16 km avant le prochain ravito dont 10 de montée. Celle-ci est assez irrégulière mais globalement, on fait face à une montée assez roulante par rapport à la précédente. Par contre, elle est plutôt longue donc il faut bien gérer ses forces. Ca passe sans encombre pour moi... Je continue à bien avancer. On amorce la descente, entrecoupée de montées casse-pattes en son sein. Ca casse les jambes comme il faut.

Arrivé à Villardebelle, au ravito, mon passage n'a pas été enregistré mais globalement, je suis le même rythme et mon classement doit être assez similaire. Les 2/3 de la course sont franchis. C'est la dernière fois que je vois ma compagne avant l'arrivée. Encore un grand merci à elle...

A noter que j'ai sorti la frontale et le gros pull, ça commence à piquer un peu en sous-bois et il fait presque nuit noire désormais.


Nous avons 8 km de descente avant le prochain ravito au 73e km à Greffeil. Rien à signaler sur cette portion même si le poids du D- accumulé commence à se faire ressentir.

Dans la petite salle du ravito, soupe et café sont désormais mes armes pour lutter contre le froid naissant et la demande d'énergie supplémentaire liée au frais. 

Je note la sympathie des bénévoles au passage, toujours disponibles et à l'écoute. La course est une vraie réussite à ce niveau, tout comme côté balisage, où il n'y a absolument rien à redire.

Côté classement et temps de course, on est encore bien dans les clous, malgré la fatigue apparente. Et l'essentiel du D+ a été réalisé donc on pourrait dire que tout va bien.


GREFFEIL KM 73 

TEMPS 13h10

CLASSEMENT 246e


C'est pourtant à partir de la portion suivante que les choses vont légèrement se gâter. Il n'y a certes que 9 km jusqu'au prochain ravito, mais ce sera 400 D+ et autant de D- à parcourir. Et si la montée est vraiment dure et assez raide, je la monte tout de même à rythme régulier.

Par contre, la descente est un cauchemar. En pleine nuit, je n'ai pas l'habitude et je commence à manquer de lucidité ici. Elle est très technique avec pas mal de pente et des obstacles. J'évite la chute mais j'avance vraiment lentement. Je prends quelques racines mais heureusement, rien qui peut contrarier mon avancée.

Finalement, il me faudra 1h45 pour franchir cette portion, une nette baisse de vitesse moyenne mais un classement qui évolue finalement assez peu, signe que tout le monde a galéré.


LADERN SUR LAUQUET KM 81 

TEMPS 14h55

CLASSEMENT 249e


S'ensuit 13 km assez casse-pattes jusqu'au dernier ravitaillement du parcours. La majorité des difficultés sont passées mais j'accuse sévèrement le coup sur cette dernière portion. Je n'avance plus très vite, malgré un déclic mental au 80e KM puisque nous devenons officiellement ultra-traileur. 

Il va donc falloir finir au courage et c'est un peu perdu dans la nuit que j'enchaine les derniers raidards, dont certains sont de véritables vacheries. Un certain nombre de concurrents me revoit ici mais je n'arrive plus à courir. Je serre les dents et je me dis que je reprendrai des forces au ravitaillement.

Comme en témoigne la webcam posées sur ce ravito, l'homme qui arrive n'est plus tout à fait le même.



Il est alors 3h17 du matin et l'arrivée n'est plus très loin, il reste à peu près 9 km.


PALAJA KM 94 

TEMPS 18h19

CLASSEMENT 260e


De toute façon, quand vous venez de faire 94 km, il est évidemment hors de question d'abandonner. Quitte à finir en marchant... Ce qui va se passer ici. Les jambes sont un peu lourdes pour relancer. Et j'ai une douleur au genou gauche qui vient s'ajouter à la panoplie... Le corps a évidemment souffert et je l'ai poussé comme jamais.

Tant pis, on finit tranquille ! Et on devient "centbornard" au passage et on se rend compte avec émotion que tous les paliers espérés vont être franchis avec succès... L'émotion vous gagne alors à 2 km de l'arrivée, les larmes montent. Vous vous rendez compte à ce moment-là de l'exploit que vous venez de réaliser. Ce sentiment se déclare avant de franchir la ligne chez moi plus qu'à l'arrivée. Faut dire que j'ai le temps de le ressasser ce sentiment ! 

Et qui est là encore à l'arrivée à 5h du matin ? Merci pour ton soutien inconditionnel <3


Et nous voilà donc revenu à Carcassonne après 103 km et 4260 de dénivelé positif. Colossal non ? 




CARCASSONNE KM 103

TEMPS 20h57

CLASSEMENT 269e






LE BILAN


Voilà donc cette aventure terminée et 5 jours après l'ultra, je peine encore à réaliser ce qui s'est passé. 

Pas seulement la course mais la présence de ma compagne et de mon pote qui termine son 100 Miles à la 40e place cette machine... et aussi le séjour en lui-même, super pour nous comme pour les suiveurs.

Mon corps est aussi là pour me rappeler l'effort fourni. J'ai mal partout ! Débarassé des douleurs aux mollets, aux quadris (qui ont vraiment bien tenu, merci le renfo !) et à peu près aux pieds, me reste donc cette douleur tenace au genou gauche. J'attends un peu avant de consulter, mais il semblerait qu'on soit sur une sorte de syndrôme rotulien. Donc du repos, du repos et encore du repos... Voilà ce qu'il me faut !


Que retenir de cette aventure ? La fierté. 

Fierté de se prouver à soi-même ce dont on est capable. 

Fierté de lire l'admiration dans les yeux de vos proches.

Fierté de prendre une petite revanche sur la vie et de montrer à tous vos anciens détracteurs qu'aujourd'hui, vous avez réussi quelque chose de grand.

Fierté, enfin, de partir de rien et d'arriver à ce stade, à force de travail et de persévérance, en à peine 7 ans.


Croyez en vous les amis ! Si j'ai pu le faire, vous pouvez le faire. La vie n'est-elle pas faite pour relever des défis insensés ?


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